Finalement, il reste une question : est-ce que toutes les formes d' sont aussi efficaces pour lutter contre le biais masculin ? Il y a encore peu d'études sur le sujet, mais il semblerait globalement que non : de façon surprenante, les formes neutres (p.ex. "l'architecte" qui peut désigner un homme ou une femme) engendrent elles aussi un biais masculin (Lindqvist et al. 2019) et les langues sans genre grammatical comme le et le ne sont pas non plus immunisées contre ce biais (Renström et al 2022, merci @elmerot de m'avoir pointé cet article). Si l'on souhaite susciter des représentations homme/femme égalitaires, le meilleur outil est la forme double (par exemple "les chercheurs et les chercheuses" ou les chercheur·euse·s). Nous menons actuellement une étude pour étudier cet effet en français. (6/X) @psycholinguistics @linguistics

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Hier c'était la soirée de lancement du tract des linguistes atterré.e.s (@tract_linguistes) : "Le français va très bien, merci", une observation que beaucoup de linguistes cherchent à communiquer au grand public... mais c'est la première fois que ces initiatives éparses se fédèrent en un groupe organisé ! Pour plus d'informations, pour soutenir, pour adhérer : tract-linguistes.org/ @linguistics

A propos, comment le biais du interagit-il avec l'effet des de genre ? La littérature scientifique est partagée sur le sujet. Mais j'aime bien cette étude de Gygax et al. (2008) qui compare l'effet des stéréotypes dans une langue avec peu de genre grammatical, l'anglais, et deux langues avec un masculin générique marqué, le français et l'allemand. Résultats : en anglais ce sont les stéréotypes qui guident les représentations (p.ex. "the nurses" évoque spontanément des femmes, car c'est un métier stéréotypé féminin). En revanche en français c'est le biais du masculin qui l'emporte : "les infirmiers" évoque un groupe d'homme, alors que le groupe pourrait être composé majoritairement de femmes. (4/X) tandfonline.com/doi/abs/10.108 @psycholinguistics @linguistics

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Autres résultats importants à garder à l'esprit pour le débat sur l' : l'usage du dans un questionnaire affecte l'autoévaluation par les répondantes de leur efficacité (Vainapel et al., 2015), les annonces d'emploi rédigées en écriture inclusive aident à considérer la candidature de femmes, en particulier dans les métiers stéréotypés masculins (Vervecken et al. 2015) et, de même, le masculin générique influence le genre de la personne à laquelle les gens pensent quand on leur demande d’imaginer un profil prototypique d’un groupe professionnel donné (Brauer & Landry 2008). (3/X) @psycholinguistics @linguistics
pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/259846

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Il existe également plusieurs études portant sur l'estimation du ratio femme/homme dans un groupe. Si le groupe est décrit en utilisant le (p.ex. "des musiciens"), ce ratio est systématiquement en la défaveur des femmes. On peut retrouver des représentations équilibrées en utilisant le (forme double "musiciens et musiciennes" ou forme contractée "musicien.ne.s"). Cet effet est indépendant des , bien que ceux-ci jouent naturellement aussi un rôle dans les biais des représentations. (2/X) @psycholinguistics @linguistics

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Du coup, c'est parti pour un petit thread sur , et représentations de genre !
Pour commencer, comme je le mentionnais précédemment (qoto.org/@leovarnet/1103603398), les personnes interrogées citent ~3 fois plus de femmes comme ministre d'un prochain gouvernement lorsqu'on formule la question en utilisant une tournure double ("citez tous les candidats/candidates") plutôt que le masculin générique ("citez tous les candidats"). On retrouve le même effet quand on demande les noms de leurs héros préférés, ou ceux de leurs artistes préférés. Ces expériences ont été reproduites en allemand et en français. (1/X)
@psycholinguistics @linguistics

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Il existe plusieurs catégories de mots épicènes :
- Les mots à genre double qui peuvent se mettre indifféremment au masculin ou au féminin, par exemple "ministre" ("un ministre" ou "une ministre"). Tous les mots à genre double se terminent par un -e... sauf "enfant". De façon intéressante, lorsqu'il sont au pluriel ou commencent par une voyelle, toute marque de genre disparait : "l'acrobate" peut être indifféremment un homme ou une femme.
- Les mots génériques qui ont leur genre grammatical propre mais peuvent désigner aussi bien des objets féminins que masculins. Par exemple "individu", "personne", "créature", "victime", "témoin"...
- Et finalement il y a bien sûr toujours la possibilité d'utiliser une forme double contractée comme "chirurgien·ne" comme abréviation de "chirurgien ou chirurgienne". Même si ces formes ne font pas encore consensus, on notera que l'usage du point médian n'est finalement pas si différent du point abréviatif qu'on retrouve dans "U.R.S.S." ou dans "M. et Mme"
(6/x)
@linguistics

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Dans quel cas le masculin et le féminin portent-ils des noms à radical différent, et pas une simple suffixation comme "chirurgien"/"chirurgienne" ? En fait, il y a deux grandes catégories selon Marina Yaguello :
- certaines relations de parenté ("frère"/"sœur", "oncle"/"tante", "père"/"mère"...)
- certains animaux domestiques ("oie"/"jars", "cheval"/"jument", "coq"/"poule", "cochon"/"truie", "vache"/"taureau").
(5/x)
@linguistics

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Une phrase citée en exemple par Hofstadter & Sander pour illustrer l’ambiguïté générée par la règle du masculin générique en français : "J'ai trente-quatre étudiants en cours, dont seulement sept sont des étudiants".
Le problème est ici bien sûr exacerbé par l'utilisation rapprochée du masculin générique et du masculin spécifique au sein d'une même phrase.
(4/x)
@linguistics

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Petite liste non-exhaustive de fausses formes féminines (avec des emprunts à Christiane Rochefort et à Marina Yaguello) :
- le rein, la reine
- le tas, la tasse
- le mal, la malle
- le pois, la poisse
- le curé, la curée
- le loup, la loupe
- le gaz, la gazelle
- le marmot, la marmotte
- le mandarin, la mandarine
- le gourmet, la gourmette
- le chevalier, la chevalière
- le vaisseau, la vaisselle
(3/x)
@linguistics

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... mais aviez vous remarqué que les noms féminins commençant par une voyelle prennent un déterminant possessif masculin ? "une oreille" mais "mon oreille", "une aise" mais "à son aise". @linguistics
(2/x)

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Allez, je commence un petit inventaire de curiosités linguistique sur le genre grammatical. Pour commencer par le plus connu, vous savez peut-être qu'il y a trois noms français qui sont masculins au singulier mais féminins au pluriel ? Il s'agit de orgue ("un orgue positif" mais "les grandes orgues"), amours ("le grand amour" mais "les amours enfantines"), et délices ("un pur délice" mais "des délices infinies")...
(1/x)
@linguistics

When you want to show the classic categorical perception results from Liberman et al but you are too tired to explain what formants are... @linguistics

Si vous n'avez jamais entendu à quoi ressemblent les langues sifflées, voici une vidéo d'animation réalisée en collaboration avec les populations wayãpi du haut Oyapock, à la frontière entre la Guyane Française et le Brésil.
vimeo.com/810960718
(Réalisation Julien MEYER, Damien DAVY; animation Beto ACOSTA & Tiffanie DESCHAMP)
@linguistics

À quoi ressemblerait un son de parole entièrement dépourvu de sens ? Quelques tentatives scientifiques de répondre à cette question posée par Roland Barthes, avec des digressions du côté de Lewis Carroll et de David Lynch. dbao.leo-varnet.fr/2022/04/12/

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Au passage, ce petit exemple souligne le fait que la séparation entre les langues accentuelles (dont le français) et les langues à tons est plus subtile qu'on pourrait le penser de prime abord : en français aussi la mélodie sur laquelle on prononce une phrase peut en changer radicalement le sens.

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@linguistics Bon j'entend uniquement "oh fuck" donc difficile d'analyser le phénomène, mais je pense que l'illusion auditive est finalement plus simple que celle du Laurel/Yanny : même si Barbie et fuck ont l'air de mots très différents, leur syllabe accentuée est phonétiquement assez proche (b/f diffèrent essentiellement par le mode d'occlusion, et j'entends un /u/ très ouvert à la limite du /ə/). Du coup avec une prononciation approximative il ne me semble pas impossible que les deux soient interchangeables.

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